La plaine
Quelques années après Trois Soeurs, Bi Feiyu nous entraîne à nouveau dans le Village des Wang et développe une chronique paysanne rythmée par le cycle des saisons et les slogans de la Révolution culturelle. Le jeune Duan Fang rentre chez lui après avoir eu le privilège d'étudier deux ans au lycée de la ville. De l'été à l'automne, nous allons le suivre dans sa réadaptation à la vie du village, les travaux des champs, l'ardent amour qu'il porte à une jeune fille qui ne lui est pas destinée, sa lutte victorieuse pour s'imposer dans la bande de jeunes du village, et sa décision, enfin, d'échapper à son destin tout tracé en s'engageant dans l'armée. Dans le Village des Wang, toutes les hiérarchies ont été bouleversées par le passage de la Révolution culturelle. Les paysans ont été divisés en pauvres, moyens-pauvres et riches, et le notable d'avant est le proscrit d'aujourd'hui. Bi Feiyu s'attache à une multitudes de personnages hauts en couleur, comme ce « médecin aux pieds nus » qui utilise les flacons de sérum physiologique pour fabriquer du soda grâce à une recette apprise à l'armée ; Vieux Harpon, poursuivi par le fantôme du riche propriétaire terrien dont il a récupéré la maison ; Monsieur Gu, un droitiste converti qui prétend que la Terre est ronde et déchiffre le monde à l'aune de l'oeuvre de Karl Marx ; et la belle Manling, une « jeune instruite » envoyée se former chez les paysans et devenue la très zélée secrétaire du Parti, éperdument amoureuse de Duan Fang. En ces temps où règne un bouleversement carnavalesque des valeurs, les mêmes moteurs guident toujours les actions humaines, désir de pouvoir, de possession, d'amour, de vivre ses rêves les plus secrets, tandis, qu'immuable, se déroule le cycle des saisons, le passage de l'orge mûre à couper au vent de nord-ouest qui apporte la neige, jusqu'au renouveau du printemps suivant.
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