Confessions des lieux disparus
« La Maison a donc envisagé de s'écrouler en toute beauté, un dimanche, pendant que les occupants seraient partis en promenade. Elle ne voulait tuer personne. Mais elle ignorait, la pauvre, que ses propres habitants préparaient un complot pour la supprimer. Dans son grand salon où tant de mariages avaient été célébrés et tant de morts pleurés, les géomètres sont venus boire un verre en l'honneur de son enterrement prochain. La fatalité frappait à la porte, et chez nous on n'échappe pas à son destin. Il avait ôté à la Maison sa dernière liberté - le droit au suicide - après lui avoir offert une existence hors du commun.. » Peindre des événements tragiques avec un pinceau comique afin de triompher de la détresse : tel est le point de vue choisi par Bessa Myftiu pour raconter des fragments de vie au fond d'une Albanie légendaire, déchirée entre les rites communistes et les traditions ancestrales. L'auteur mêle habilement désenchantement et dérision. Elle évoque un monde étrange, l'Albanie d'Enver Hodja, où coexistent un marxisme-léninisme délirant et des moeurs patriarcales - univers peuplé de personnages extravagants et insolites. Dans ce paysage bizarre, la haine voisine avec l'amour. La romancière décrit cet amour souvent malchanceux au fil d'une trajectoire dessinée avec élégance et humour, un ton peu habituel chez les auteurs qui ont écrit sur le socialisme.
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